Recouvrir les traverses des voies ferrées de caoutchouc provenant de pneus usés, c’est le pari de Greenrail, une start-up italienne. Au-delà du recyclage, les avantages de cette innovation vont de la production d’énergie à l’envoi de données. Sans oublier des coûts d’entretien réduits.
Peut-être est-ce le soleil de Sicile qui lui a tapé sur le crâne… Toujours est-il que Giovanni De Lesi, à l’époque ouvrier à la maintenance des voies de chemin de fer à Palerme, a eu une idée révolutionnaire. Et si, au lieu de laisser les traverses en béton rôtir au soleil, on les recouvrait d’un mélange de plastique et de caoutchouc provenant de pneus recyclés ? Un tel revêtement permettrait d’absorber les vibrations lorsque les wagons passent et de limiter le déplacement latéral des rails. De quoi réduire les coûts d’entretien liés à l’usure du ballast, tout en augmentant la capacité de charge.
Il concocte un premier mélange, avec du caoutchouc provenant de pneus usagés récupérés par l’association italienne EcoPneus, puis lance sa start-up, Greenrail, désormais incubée à l’Université Polytechnique de Milan. Les ingénieurs voient vite les avantages d’une telle innovation. Au-delà des coûts d’entretien réduits et du recyclage – substantiel, puisque pour un kilomètre de rail recouvert de ce mélange, ce sont 17,5 tonnes de pneus usés très polluants et difficiles à recycler qui ont une seconde vie et autant de tonnes de vieux plastiques – le revêtement peut produire de l’énergie solaire, si l’on y incorpore des panneaux photovoltaïques (chaque kilomètre de voie pourra ainsi produire assez d’électricité pour répondre aux besoins d’énergie annuels d’une dizaine de foyers) et récolter des données via la technologie RFID pour prévenir des problèmes sur les voies. En septembre 2018, Greenrail a inauguré, avec la compagnie de chemins de fer d’Emilie Romagne, un premier projet pilote.
Marché mondial
Six ans après le début de l’aventure, Greenrail est donc prête. Prête à conquérir le marché mondial. Après tout, 120 à 140 millions de traverses sont remplacées chaque année dans le monde pour la maintenance ordinaire. Aux Etats-Unis, ce sont 15 à 25 millions de traverses qui sont à renouveler chaque année. Déjà, la start-up italienne, qui a couvert son innovation par des brevets un peu partout dans le monde, a signé un accord de licence de 15 ans avec une société américaine créée à cet effet. Elle commercialisera l’innovation dans plusieurs Etats. Une usine locale, dont la construction est presque terminée, aura une capacité de production de 600 000 revêtements de traverses par an, pour lesquels 8 000 tonnes de pneus seront recyclées. Et la start-up italienne est en négociation avec des compagnies de chemin de fer en Inde, en Russie, au Brésil, en Australie…